Les acteurs du secteur de l’assurance doivent faire preuve d’agilité. En effet, depuis plusieurs années, ils sont directement impactés par des changements notables aussi bien sur le plan national que sur la scène européenne. Depuis juillet 2021, la France a étudié les préconisations du CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) concernant la médiation bancaire et de l’assurance pour améliorer les procédures. Dernier exemple en date : le 22 septembre 2021, la Commission européenne a dévoilé ses propositions de révision de la directive Solvabilité 2. Découvrez quelles seraient les conséquences pour les assureurs de l’évolution de cette réglementation européenne destinée, entre autres, à réduire le risque de faillites.
La directive Solvabilité 2 en bref
Mise en place en 2016, la directive européenne Solvabilité 2 concerne tous les organismes d’assurance (contrats d’assurance-vie, etc.) et de réassurance des pays membres de l’Union européenne.
En France, elle s’applique notamment aux :
- Entreprises d’assurance régies par le Code des assurances (AssurTech compris)
- Institutions de prévoyance régies par le Code de la sécurité sociale
- Mutuelles soumises au Code de la mutualité.
Les objectifs de Solvabilité 2
Ce régime prudentiel renforce les règles en matière de gestion de risques et de gouvernance dans l’optique de :
- Harmoniser la réglementation en vigueur en Europe.
- Mieux protéger les assurés en s’assurant que les compagnies d’assurance puissent respecter les engagements pris vis-à-vis de leurs clients et qu’elles disposent des fonds propres nécessaires pour faire face aux risques engagés.
- Faciliter le contrôle des organismes assureurs de la part des autorités de contrôle compétentes comme l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution).
- Améliorer la transparence de la communication financière des acteurs assurantiels.
- Développer la compétitivité des différents organismes concernés sur le marché européen des assurances.
Les 3 piliers de cette réglementation européenne
- 1er pilier : les exigences quantitatives. Il définit deux indicateurs de solvabilité. Appelé également marge de solvabilité, le capital de solvabilité requis (SCR – Solvency Capital Requirement) correspond au niveau de fonds propres nécessaires pour couvrir les risques et limiter la probabilité de ruine à moins de 0,5 %. Le minimum de capital requis (MCR – Minimum Capital Requirement) correspond au montant en dessous duquel les intérêts des clients seraient menacés. En dessous de ce seuil, l’organisme se verrait retirer son agrément, car il ne serait plus viable.
- 2e pilier : les exigences qualitatives. Il s’agit de mettre en place un système de gouvernance efficace et un dispositif interne d’évaluation des risques (ORSA – Own Risk and Solvency Assessment). L’objectif : garantir la capacité de l’assureur à identifier et gérer les imprévus pouvant affecter sa solvabilité.
- 3e pilier : l’obligation de communication financière. Les organismes d’assurance doivent fournir des informations détaillées sur leur solvabilité et leur situation financière. Il s’agit de reportings quantitatifs et narratifs à destination de l’autorité de contrôle ou du grand public.
Bon à savoir : pour les assureurs, le pourcentage minimum réglementaire du ratio de solvabilité est de 100 %. Il correspond au résultat de la division des fonds propres éligibles par le SCR. Le mode de calcul du capital de solvabilité requis peut se faire selon la formule standard prévue par la directive Solvabilité 2 ou un modèle interne.
Révision de la directive Solvabilité 2 : ce qu’il faut savoir
Dès l’entrée en vigueur de Solvabilité 2, deux révisions étaient prévues : une en 2018 et une autre en 2020 (reportée en 2021 suite à la pandémie).
En tenant compte des préconisations de l’AEAPP (Autorité Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles – EIOPA en anglais) publiées en décembre 2020, la Commission européenne a proposé plusieurs ajustements en septembre 2021.
Le saviez-vous ? L’une des principales difficultés des assureurs pour être en conformité avec Solvabilité 2 est de maintenir leur ratio de solvabilité sur la durée, alors même qu’il est extrêmement sensible aux variations des taux d’intérêt (actuellement très bas).
Les objectifs de la révision de Solvabilité 2
Cette révision vise notamment à :
- Accélérer et renforcer la contribution à long terme des organismes d’assurance au financement de la reprise économique sur le marché européen.
- Encourager les assureurs à participer à l’union des marchés des capitaux.
- Inciter les acteurs du secteur assurantiel à réaliser des investissements plus “verts”.
- Optimiser la protection des consommateurs.
- Améliorer la stabilité des entreprises d’assurance, même pendant les périodes de crise (économique, sanitaire, climatique…), et les rendre moins sensibles aux fluctuations des marchés.
Les propositions phares de la Commission européenne
S’appuyant largement sur les recommandations de l’AEAPP, la Commission européenne propose de :
- Réduire la volatilité du ratio de solvabilité avec la modification de plusieurs mesures comme les règles relatives au dispositif de correction pour volatilité (VA – Volatility Adjustment).
- Modifier les critères d’éligibilité de la catégorie d’actifs regroupant les actions de long terme. Ce traitement prudentiel préférentiel avec une charge en capital amoindrie vise à inciter les investissements en actions à long terme.
- Relever les seuils d’exclusion de la directive au profit des assureurs de petite taille et simplifier l’application des règles pour des entités au “profil peu risqué”.
- Imposer la réalisation d’analyses de scénarios concernant les changements climatiques sur le long terme pour améliorer la gestion des risques liés aux catastrophes naturelles.
- Informer de manière plus transparente les preneurs d’assurance et les autorités compétentes en différenciant les données pour chaque public.
L’impact pour les assureurs
Suite à l’entrée en vigueur de la directive Solvabilité 2, les acteurs du secteur assurantiel ont réduit leurs investissements en actifs risqués. Et ce, afin d’être en conformité avec les exigences prudentielles et d’afficher un SCR suffisant pour rassurer les preneurs d’assurance et les superviseurs.
Selon la Commission européenne, plusieurs mesures de la révision permettraient aux entreprises d’assurance et de réassurance d’augmenter leur capacité à réaliser des investissements à court et long terme dans l’économie, tout en continuant à maîtriser la prise de risques. Certaines modifications avaient d’ailleurs été demandées par les professionnels du secteur.
Pourtant, d’autres propositions sont plus contestées comme l’alourdissement du reporting, le renforcement des exigences concernant la gestion du risque de liquidité pour les organismes utilisant le VA ou la supervision des groupes.
Autre sujet d’inquiétude : d’ici 2032, devraient être mises en œuvre des modifications portant sur des exigences en capital plus strictes.
Tout comme la révision du règlement européen eIDAS, la révision de la directive Solvabilité 2 n’est pas encore définitivement adoptée. Le secteur de l’assurance sera directement impacté par les nouvelles propositions. Mais elles n’entreront pas en vigueur avant au moins 2025. En effet, avant sa transposition par chaque État membre, ce texte fera l’objet de nombreuses négociations. Un long processus législatif qui va laisser le temps aux acteurs concernés de s’y préparer.